L’entrée des croisés à Constantinople est une peinture à l’huile sur toile du peintre français Eugène Delacroix, réalisée en 1840. Elle représente un épisode de la quatrième croisade, lorsque les croisés latins s’emparent de la capitale byzantine le 12 avril 1204. Elle mesure 498 x 410 cm et est conservée au musée du Louvre à Paris. Elle appartient au courant romantique, qui se caractérise par l’expression des sentiments et l’intérêt pour l’exotisme et le Moyen Âge.
Contexte historique de l’œuvre
L’entrée des croisés à Constantinople fait partie des peintures commandées par le roi Louis-Philippe pour décorer la salle des Croisades du château de Versailles. Le souverain avait conçu un musée dédié à « toutes les gloires de la France », qui retraçait les grandes heures de l’histoire nationale. La salle des Croisades était inaugurée en mai 1843 et rassemblait cent vingt-cinq tableaux illustrant les expéditions militaires menées par les chrétiens d’Occident entre le XIe et le XIIIe siècle pour libérer les lieux saints.
Delacroix avait reçu la commande de son tableau en 1838. Il s’était inspiré de plusieurs sources historiques, notamment la chronique de Geoffroy de Villehardouin, qui avait participé à la quatrième croisade. Il avait également consulté des gravures représentant Constantinople et ses monuments. Il avait réalisé plusieurs esquisses préparatoires avant de peindre la version définitive sur une grande toile.
Le tableau fut exposé pour la première fois au Salon de 1841, où il reçut un accueil mitigé. Certains critiques louèrent la vigueur et la richesse du coloris, tandis que d’autres reprochèrent au peintre son manque de fidélité historique et son goût pour le pittoresque. Le tableau fut ensuite envoyé à Versailles, où il resta jusqu’à son transfert au Louvre en 1885.
Analyse du tableau
Le tableau représente le moment où les croisés font leur entrée triomphale dans Constantinople après avoir pris d’assaut ses murailles. La scène se déroule sur la place Sainte-Sophie, devant la célèbre basilique byzantine. La composition est organisée selon une diagonale ascendante qui va du coin inférieur gauche au coin supérieur droit.
- Au premier plan, on voit les soldats latins qui avancent à cheval ou à pied dans un désordre apparent. Certains portent des armures et des casques brillants, d’autres sont vêtus de haillons ou de peaux d’animaux. Ils brandissent des épées, des lances ou des drapeaux aux couleurs variées. Ils expriment des sentiments contrastés : joie, fierté, curiosité, avidité…
- Au second plan, on voit les habitants grecs qui assistent impuissants à l’invasion de leur ville. Certains sont terrifiés et se réfugient dans les églises ou les maisons. D’autres sont résignés ou indifférents. Quelques-uns tentent de négocier avec les envahisseurs ou de leur offrir des présents.
- Au troisième plan, on voit les monuments emblématiques de Constantinople : la basilique Sainte-Sophie, dont le dôme domine le paysage ; le palais impérial, dont les tours sont ornées de statues ; la colonne serpentine, qui rappelle la victoire grecque sur les Perses ; le grand obélisque égyptien, qui symbolise la puissance byzantine.
- Au dernier plan, on voit le ciel nuageux qui contraste avec la lumière éclatante qui baigne la scène. Quelques oiseaux volent au-dessus des toits.
La palette du tableau est riche et variée : elle mêle les tons chauds (rouge, orange, jaune) et les tons froids (bleu, vert, violet). Delacroix utilise la technique du clair-obscur pour créer des effets de contraste et de relief. Il soigne également les détails des personnages, des animaux et des objets qui témoignent de son observation attentive et de son imagination fertile.
Interprétation
L’entrée des croisés à Constantinople est une œuvre typique du style romantique qui se caractérise par le mouvement, le drame et l’exotisme. Delacroix exprime sa vision personnelle de l’histoire en mettant en scène une scène spectaculaire et tragique.
Delacroix ne cherche pas à glorifier les croisés ni à condamner les Byzantins. Il montre plutôt la complexité et l’ambiguïté du fait historique. Il souligne ainsi le contraste entre la splendeur de Constantinople et la misère des Latins ; entre la violence du sac de la ville et la beauté de ses monuments ; entre le fanatisme religieux et la tolérance culturelle.
Delacroix s’inspire aussi de son expérience personnelle du voyage en Orient qu’il a effectué en 1832. Il transpose dans son tableau ses impressions visuelles et sensorielles : les couleurs vives, les formes variées, les odeurs épicées… Il évoque ainsi son attirance pour un monde différent et mystérieux.
L’entrée des croisés à Constantinople est donc une œuvre remarquable par sa technique et son expressivité. C’est aussi une œuvre emblématique du romantisme français qui témoigne du talent artistique et culturel de Delacroix.