Comment Guérin a réinventé la légende d’Aurore et Céphale

L’Aurore et Céphale est une peinture réalisée par Pierre-Narcisse Guérin en 1810. Elle représente une scène tirée des Métamorphoses d’Ovide, où la déesse de l’aube, Aurore, enlève le jeune chasseur Céphale et le séduit. Cette œuvre illustre le style néoclassique du peintre et son intérêt pour les sujets mythologiques.

Le contexte historique de la peinture

Pierre-Narcisse Guérin (1774-1833) est un peintre français qui appartient au courant néoclassique. Il se forme à l’Académie royale de peinture et de sculpture, où il remporte le prix de Rome en 1797. Il séjourne ensuite en Italie de 1800 à 1810, où il étudie les maîtres anciens et se lie avec les artistes du groupe des Barbus, comme Girodet ou Gros. Il revient en France en 1810 et expose au Salon la même année son tableau L’Aurore et Céphale, qui lui vaut les éloges de la critique et du public.

Le sujet mythologique de la peinture

L’Aurore et Céphale représente un épisode tiré du livre VII des Métamorphoses d’Ovide, un recueil de poèmes qui raconte les transformations des dieux et des hommes dans la mythologie grecque. Selon le récit d’Ovide, Céphale est le fils d’Hermès et le mari de Procris, la fille d’Érechthée, roi d’Athènes. Un jour, alors qu’il chasse dans les bois, il attire l’attention d’Aurore, la déesse de l’aube, qui le trouve très beau. Elle décide alors de l’enlever et de l’emmener dans son palais en Éthiopie. Là, elle lui fait des avances, mais Céphale résiste et lui rappelle son amour pour sa femme. Aurore finit par le laisser partir, mais elle lui jette une malédiction : il tuera sa femme par mégarde en la prenant pour un animal.

Guérin choisit de représenter le moment où Aurore tente de séduire Céphale dans son lit nuptial. Il adoucit le récit d’Ovide en supprimant les aspects dramatiques et violents de l’enlèvement et du sort funeste qui attend les amants. Il met plutôt en valeur la beauté des personnages et l’harmonie de leurs corps. Aurore apparaît comme une déesse radieuse et voluptueuse, qui se penche vers Céphale avec tendresse. Céphale est un jeune homme élégant et athlétique. Un amour ailé joue avec un arc et des flèches à leurs pieds, symbole de l’amour divin.

L’interprétation de la peinture

L’Aurore et Céphale est une peinture qui illustre le style néoclassique de Guérin. Le néoclassicisme est un mouvement artistique qui se développe à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, en réaction au rococo jugé trop frivole et superficiel. Les néoclassiques s’inspirent des modèles antiques et cherchent à exprimer des idées morales et politiques à travers leurs œuvres.

Guérin suit les principes du néoclassicisme en adoptant une composition rigoureuse et symétrique, où les personnages sont disposés selon un triangle isocèle. Il utilise des couleurs sobres et harmonieuses, qui contrastent avec le fond sombre. Il soigne les détails anatomiques et drapés des corps, qui rappellent les sculptures grecques ou romaines. Il crée une atmosphère solennelle et majestueuse, qui confère une dignité aux personnages.

Guérin exprime aussi sa sensibilité personnelle dans son tableau. Il ne se contente pas de reproduire fidèlement le texte d’Ovide, mais il y ajoute sa propre interprétation. Il transforme le récit tragique en une scène romantique, où l’amour triomphe des obstacles. Il montre que même les dieux sont soumis aux sentiments humains et qu’ils peuvent être touchés par la grâce ou la beauté d’un mortel. Il suggère que l’amour est une force universelle qui unit le ciel et la terre.

L’Aurore et Céphale est donc une peinture qui témoigne du talent de Guérin comme peintre néoclassique, mais aussi comme poète capable de réinventer la mythologie à sa manière.

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