La Lucrèce de Guido Cagnacci est une peinture à l’huile sur toile réalisée vers 1657 et conservée au musée des beaux-arts de Lyon. Elle représente le suicide de Lucrèce, une noble romaine qui s’est donné la mort après avoir été violée par le fils du roi Tarquin le Superbe. Ce geste héroïque a déclenché la révolte qui a mis fin à la monarchie et instauré la République romaine.
Contexte historique
Guido Cagnacci est un peintre italien du XVIIe siècle, qui appartient à la période tardive du baroque italien. Il est né à Santarcangelo di Romagna en 1601 et a étudié à Bologne avec les maîtres de l’école bolonaise, comme les Carrache, Guido Reni et Le Guerchin. Il a voyagé à Rome, Rimini, Forli et Venise, où il a séjourné pendant une décennie. Il a été influencé par le naturalisme du Caravage et par le colorisme de Véronèse et du Tintoret. Il s’est spécialisé dans les tableaux de demi-figures, représentant souvent des héroïnes de l’histoire ancienne, de la mythologie ou de la Bible, dans des poses sensuelles et dramatiques. Il a été appelé à Vienne par l’empereur Léopold Ier en 1658 et y est mort en 1663.
Cagnacci a peint plusieurs versions du sujet de La Mort de Lucrèce, dont la plus célèbre est celle du musée des beaux-arts de Lyon.
Analyse du tableau
Lucrèce est représentée au moment où elle s’enfonce un poignard dans le sein gauche. Elle est nue excepté le ruban bleu qu’elle porte dans les cheveux. Son visage exprime la douleur et la résignation, tandis que son corps se courbe sous l’effet du coup fatal.
Interprétation
Le tableau de Cagnacci illustre un épisode célèbre de l’histoire romaine, rapporté par les auteurs antiques comme Tite-Live ou Ovide. Lucrèce était l’épouse vertueuse de Collatinus, un noble romain. Un jour, Sextus Tarquinus, le fils du roi Tarquin le Superbe, la vit chez elle et fut séduit par sa beauté. Il revint la nuit suivante et la viola sous la menace d’un poignard. Le lendemain matin, Lucrèce appela son mari, son père et leurs amis pour leur raconter son malheur. Elle leur fit jurer de venger son honneur puis se tua devant eux. Brutus prit alors la tête d’une rébellion contre les Tarquins, qu’il chassa de Rome. Il proclama ensuite l’abolition de la royauté et l’établissement d’un régime républicain.
Le sujet de La Mort de Lucrèce a été souvent traité par les artistes depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne. Il symbolise à la fois le courage civique, le sacrifice moral et la violence politique. Il met en scène des valeurs contrastées comme l’amour et la haine, la fidélité et la trahison, la vie et la mort. Il suscite aussi des émotions contradictoires comme la compassion et l’admiration, le dégoût et l’indignation.
Cagnacci propose une interprétation personnelle du mythe, qui met en avant le rôle central de Lucrèce comme héroïne tragique. Il ne représente pas le viol ni la révolte, mais seulement le moment culminant du suicide. Il se concentre sur les sentiments de l’héroïne et sur son expression corporelle. Il crée ainsi une atmosphère dramatique et pathétique, qui invite le spectateur à partager la douleur ou colère.
Cagnacci inscrit aussi son œuvre dans le contexte historique et culturel du XVIIe siècle italien. Il s’inspire des modèles artistiques du baroque, qui privilégient le mouvement, le contraste et l’éloquence visuelle. Il reflète aussi les préoccupations morales et religieuses de son époque, marquée par la Contre-Réforme catholique. Il exalte ainsi les vertus chrétiennes comme la chasteté, la pénitence ou le martyre.
La Lucrèce de Guido Cagnacci est un chef-d’œuvre du baroque italien, qui illustre un épisode marquant de l’histoire romaine. Le peintre a su rendre hommage à la figure de Lucrèce, qui incarne le courage, la vertu et le sacrifice. Il a su aussi exprimer les émotions intenses des personnages, qui traduisent la douleur, l’horreur et la révolte.