Vénus anadyomène (ou Vénus marine) est un tableau peint par Théodore Chassériau en 1838. Il représente la déesse de l’amour sortant des eaux, selon le mythe de sa naissance. Ce thème artistique, issu de la mythologie gréco-romaine, a été repris par de nombreux peintres à travers les siècles. Chassériau s’en inspire à son tour, en y apportant sa touche personnelle et son style romantique.
Un mythe ancien revisité
Le tableau illustre la légende d’Aphrodite (ou Vénus chez les Romains), qui aurait émergé de l’écume de la mer à Chypre, après que le sang et le sperme du sexe coupé d’Ouranos (le Ciel) se soient mêlés à l’eau. Cette scène est racontée par le poète grec Hésiode dans sa Théogonie, un récit cosmogonique qui expose la généalogie des dieux. L’épithète “anadyomène” signifie “surgie vers le haut” ou “sortie des eaux” en grec ancien.
Ce mythe a été repris par de nombreux artistes, notamment dans la peinture. On peut citer par exemple la Vénus anadyomène d’Apelle, un peintre grec du IVe siècle av. J.-C., dont l’œuvre est perdue mais qui était considérée comme un chef-d’œuvre par les Anciens. On peut aussi mentionner la Vénus anadyomène d’Ingres, peinte entre 1808 et 1848, qui montre la déesse essorant ses cheveux dans un geste sensuel.
Une œuvre originale et romantique
Chassériau reprend le thème de la Vénus anadyomène, mais il y apporte sa propre vision et son style romantique. Il s’éloigne ainsi des canons classiques de la beauté féminine, en représentant une déesse aux formes généreuses et au teint mat. Il lui donne aussi une expression mélancolique et rêveuse, qui contraste avec la joie habituellement associée à la naissance. Il crée ainsi une atmosphère mystérieuse et poétique, qui reflète son goût pour l’exotisme et l’orientalisme.
Le tableau est également remarquable par sa technique picturale. Chassériau utilise des couleurs vives et contrastées, qui mettent en valeur le corps de la déesse et les éléments marins qui l’entourent. Il joue aussi avec les effets de lumière et d’ombre, qui créent du relief et du mouvement. Il montre ainsi sa maîtrise du clair-obscur et son influence par le Caravage, un peintre italien du XVIIe siècle.
Une œuvre exposée et appréciée
Le tableau est présenté au Salon de peinture et de sculpture en 1839, où il reçoit un accueil favorable de la part du public et de la critique. Il est notamment admiré par Victor Hugo, qui écrit dans son journal : “J’ai vu aujourd’hui au Salon une Vénus marine de Chassériau qui m’a charmé. C’est une figure pleine de grâce et de mélancolie ; elle semble sortir des flots comme une pensée ; elle a quelque chose d’Orient dans le regard ; elle est belle comme une femme et douce comme une nymphe”.
Le tableau est ensuite acquis par l’État français en 1845, et il est exposé au musée du Louvre depuis 1852. Il fait partie des œuvres les plus célèbres et les plus représentatives de Chassériau, qui est considéré comme l’un des précurseurs du symbolisme en peinture.