L’embarquement de la reine de Saba est une peinture à l’huile sur toile du peintre français Claude Gellée, dit « le Lorrain », réalisée en 1648. Le tableau représente une scène biblique du départ de la reine de Saba pour rendre visite au roi Salomon à Jérusalem, transposée dans un paysage maritime idéalisé. La toile mesure 149 x 194 cm et est conservée à la National Gallery de Londres.
Contexte historique de l’œuvre
L’embarquement de la reine de Saba fait partie des peintures commandées par Frédéric-Maurice de La Tour d’Auvergne, duc de Bouillon et prince de Sedan, à Claude Gellée en 1646. Le duc était un grand mécène qui voulait décorer son palais romain avec des tableaux représentant des scènes bibliques ou mythologiques. Il avait choisi comme sujet l’embarquement de la reine de Saba, inspiré par le Livre des Rois (1 Rois 10, 1-13).
Claude Gellée était alors âgé de 46 ans et c’était le peintre le plus célèbre et le plus respecté de Rome. Il était né en Lorraine vers 1600 et avait fait son apprentissage à Nancy puis à Rome. Il s’était spécialisé dans la peinture de paysage, qu’il traitait avec une grande maîtrise de la perspective et de la lumière. Il avait créé son propre style, caractérisé par des compositions harmonieuses et poétiques, qui lui valait le surnom de « le Lorrain ».
Le tableau fut achevé en 1648 et livré au duc avec son pendant, Paysage avec mariage d’Isaac et Rebecca. Il fut ensuite transmis à plusieurs propriétaires avant d’être acquis par John Julius Angerstein en 1794. Il entra à la National Gallery en 1824 avec la collection Angerstein. Il fut restauré en 1989 et retrouva sa splendeur originale.
Analyse du tableau
Le tableau représente le moment où la reine de Saba s’apprête à embarquer sur un navire pour aller rencontrer le roi Salomon à Jérusalem. La scène se déroule dans un port imaginaire orné d’édifices antiques et modernes. La composition est organisée selon une diagonale ascendante qui va du coin inférieur gauche au coin supérieur droit.
- Au premier plan, on voit la reine de Saba entourée de ses serviteurs et de ses richesses. Elle est vêtue d’une robe bleue et d’un manteau rouge qui contrastent avec sa peau claire. Elle porte des bijoux aux oreilles, au cou et aux bras.
- Au second plan, on voit le navire qui attend la reine sur l’eau calme. Il est orné de sculptures dorées et d’une voile blanche. Il porte le nom du peintre : CLAVDIO F (Claudio fecit). Il est accompagné d’autres bateaux plus petits qui transportent des marchandises ou des passagers.
- Au troisième plan, on voit le port qui s’étend derrière la reine. On distingue des colonnes et des arcades qui rappellent l’architecture classique. On remarque aussi des bâtiments plus récents qui évoquent l’architecture vénitienne ou romaine. On observe également des personnages variés qui animent la scène : soldats, marchands, pêcheurs, enfants…
- Au dernier plan, on voit le paysage qui s’élève derrière le port. On distingue des collines verdoyantes, des arbres feuillus et des nuages blancs.
La palette du tableau est riche et harmonieuse : elle mêle les tons chauds (rouge, orange, jaune) et les tons froids (bleu, vert). Claude Gellée utilise la technique de l’huile sur toile pour créer des effets de transparence et de luminosité qui renforcent le réalisme et la poésie du paysage. Il soigne également les détails des personnages, des animaux et des objets qui témoignent de son observation attentive et de son imagination créative.
Interprétation
L’embarquement de la reine de Saba est une œuvre typique du style du Lorrain qui se caractérise par la beauté lumineuse et harmonieuse du paysage. Claude Gellée exprime sa vision personnelle du voyage en mettant en scène une scène majestueuse et paisible.
Claude Gellée ne cherche pas à illustrer fidèlement le récit biblique ni à transmettre un message religieux précis. Il s’inspire plutôt librement du texte sacré pour créer une œuvre originale et profane. Il souligne ainsi le contraste entre l’Orient et l’Occident ; entre le passé et le présent ; entre le naturel et l’artificiel.
Claude Gellée s’adresse aussi à son commanditaire et à son public cultivé qui apprécient les références savantes et les allusions symboliques. Il évoque ainsi sa connaissance de l’art antique et de l’art contemporain ; son admiration pour les maîtres italiens et flamands ; son goût pour les thèmes exotiques et historiques.
L’embarquement de la reine de Saba est donc une œuvre remarquable par sa technique et son expressivité. C’est aussi une œuvre emblématique de la Renaissance française qui témoigne du talent artistique et culturel du Lorrain
